11 octobre, Paris. Le point commun
entre Noé et Mohamed Nasheed, c'est que l'un et l'autre ont été
prévenus que l'eau allait monter. La différence, c'est qu'un
archipel ne flotte pas. Mohamed Nasheed est en effet le président de
la République des Maldives, au large de l'Inde : 1199 îles
(émergeant à peine de l'océan), dont 202 seulement sont
habitables ; s'y entassent les 400 000 Maldiviens. Le président
Nasheed est à Paris pour 48 quarante-huit heures. Devant les
journalistes, il ironise en anglais : « un jour, à New
York, il verront de l'eau dans leur salon et ils se diront :
« Tiens, le changement climatique est une réalité. ». »
Car la mer monte ! C'est une chose dont les Maldiviens, quant à
eux, ne doutent plus. Le point culminant de leur territoire n'étant
qu'à trois mètres au-dessus des vagues, il a déjà fallu évacuer
les habitants de seize îles de l'archipel – et ça ne fait
qu'empirer : l'eau douce devient salée, les terres glissent
dans l'océan... Les Maldives seront sous l'eau (disent les
océanologues) dans les cent ans à venir. Ce serait une façon de
résoudre l'insoluble équation du pays : dette publique,
corruption, chômage et drogue ; mais le président Nasheed
aimerait mieux que ses îles et leurs cocotiers restent en surface,
car le tourisme aux Maldives rapporte un paquet. Alors comment
obtenir que le reste du monde prenne des mesures contre le changement
climatique ? Président moderne quoique attaché à la charia,
Mohamed Nasheed a choisi la stratégie des coups publicitaires pour
frapper les imaginations de la communauté internationale. En 2009,
par exemple, il s'est fait filmer présidant un Conseil des ministres
sous-marin (palmes aux pieds) dans les eaux turquoises de ce paradis
des plongeurs. Il a aussi fondé l'Aosis, Association des petits
Etats insulaires vulnérables à une future montée du niveau de la
mer.
Il a surtout fait construire une île
supplémentaire , en pompant du sable au fond de l'océan pour
l'entasser et y construire des tours-hôtels. Voilà une conception,
de l'écologie qui plairait à Claude Allègre ! Le grand
imprécateur devrait partir en vacances aux Maldives. Son passage en
douane ne lui posera pas de problèmes : les douaniers
maldiviens ne confisquent que les objets religieux non musulmans et
les revues érotiques.
Le spectacle du Monde n° 583
Emission consacrée au réchauffement climatique :
(durée du film : 1h48)
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